Prothèse totale avec une esthétique de très haut niveau

Un article du 13ème concours international KunstZahnWerk de CANDULOR 2023

Skender Ramadani, Suisse

Les raisons d’opter pour la confection de prothèses dentaires assistée par ordinateur ne manquent pas. Mais lorsqu’il s’agit de confectionner des prothèses totales qui se démarquent des autres par leur individualité et leur beauté naturelle, les techniques de fabrication conventionnelles restent aujourd’hui souvent supérieures. Elles offrent aux utilisateurs plus de flexibilité et leur permettent de déployer leur créativité ainsi que leur savoir-faire en matière de prothétique dentaire. Il en résulte des restaurations qui permettent de retrouver une certaine qualité de vie, même pour les patients aux exigences esthétiques accrues.

Confectionner une telles restauration, telle était la mission imposée dans le cadre du 13ème concours international KunstZahnWerk CANDULOR 2023 : réaliser une prothèse totale maxillaire et mandibulaire à mucco-portée sur la base d’une analyse de modèle détaillée. Ce concept d’occlusion dynamique permettait de choisir entre une relation une dent sur une dent ou une dent sur deux dents. Des informations détaillées ont été fournies sur la situation initiale (ci-après résumée dans le chapitre « Description du cas ») ainsi que les modèles maxillaire et mandibulaire appropriés, l’empreinte occlusale physionomique et les dents prothétiques : PhysioSelect TCR (maxillaire) / forme 674, teinte A3, PhysioSelect TCR (mandibule) / forme 64, teinte A3, ainsi que BonSelect TCR (maxillaire et mandibule) / forme 04, teinte A3 (Fig. 1). Le briefing contenait par ailleurs un cliché de la prothèse provisoire, des clichés extra-oraux actuels de la patiente avec la prothèse en place, ainsi qu’une photo de jeunesse (Fig. 2 à 5). Il a par ailleurs été noté que le contact labial des dents antérieures maxillaires ainsi que le contact jugal vestibulaire des dents postérieures correspondaient à l’empreinte occlusale. L’inclinaison de la pente condylienne était de 45 degrés à droite et de 47 degrés à gauche (référence : plan de Camper = plan d’occlusion).

Description du cas

La patiente était âgée de 69 ans au début du traitement et portait une prothèse dentaire totale depuis déjà 15 ans. Tandis que les dents 21, 22 et 23 ainsi que les dents 35 à 42 et 46 pouvaient encore être préservées et traitées par le biais de couronnes télescopiques, il a au fil du temps été nécessaire d’extraire les dents maxillaires. Les dents de la mandibule ont ultérieurement aussi dû être extraites du fait d’une parodontite avancée. La patiente a porté une restauration provisoire pendant deux ans.

Aucune maladie générale susceptible d’influencer le traitement n’était connue au début de la prise en charge. L’examen clinique a permis de constater une atrophie marquée de la mandibule. Elle était par ailleurs accompagnée d’une crête flottante peu prononcée dans la région 32 à 42, ainsi que d’une leucoplasie dans la région crestale 35. Une nouvelle restauration par le biais de prothèses totales à appui muqueux était indiquée, aussi bien du fait d’une esthétique insatisfaisante qu’en raison d’une fonction insuffisante. Parmi les défauts esthétiques figuraient la résine inesthétique de la restauration provisoire (Fig. 2) ainsi que le fait que les dents antérieures du maxillaire et de la mandibule étaient trop peu visibles (Fig. 3). Par ailleurs, le tiers inférieur du visage paraissait bien trop petit avec la mâchoire fermée à partir de la position de repos. Le menton paraissait ainsi plus « proéminent » que d’habitude (Fig. 4 et 5). La fonction insatisfaisante était due à une tenue déficiente de la prothèse qui ne permettait la mastication qu’après avoir eu recours à une crème adhésive. On peut néanmoins de la possibilité d’obtenir sans implant une fonction prothétique satisfaisante au niveau du mandibule jusqu’à un âge avancé (« Concept 75+ » des Dr H. Gloerfeld/Dr D. Weber, Marbourg).

Objectifs thérapeutiques

Les souhaits de la patiente ont aussi été pris en compte dans la définition des objectifs thérapeutiques. Elle souhaitait avant tout bénéficier d’une meilleure tenue ainsi que d’une mastication optimisée. Les dents antérieures devaient par ailleurs être visibles aussi bien sur le maxillaire que sur la mandibule et le menton devait paraître moins « proéminent ». En ce qui concerne la forme, la position et la teinte des dents, la patiente désirait une apparence naturelle et adaptée à l’âge, de préférence légèrement irrégulière.

Tenant compte de ces désirs, il a été prévu de confectionner une prothèse totale maxillaire et mandibulaire à appui muqueux et personnalisée. Il était alors nécessaire de veiller à un confort de port le meilleur possible et à une rétention sûre, une mastication idéale et bien entendu une élocution irréprochable. Une élévation de la relation maxillaire verticale était prévue afin de légèrement corriger le menton proéminent. Un coup d’œil jeté à la photo de jeunesse (Fig. 5) a confirmé l’hypothèse selon laquelle un rembourrage plus important de la lèvre inférieure ne permettrait dans ce cas pas d’obtenir le résultat souhaité. Un rehaussement permettrait en revanche d’optimiser spécifiquement la visibilité des dents antérieures maxillaires. Ces mesures devaient aussi tenir compte de la préservation de l’élocution.

Montage de modèle

Les modèles et empreintes occlusales fournis ont dans un premier temps été dupliqués pour pouvoir commencer l’analyse du modèle et la planification détaillée. Par la suite, les modèles ont été mis en articulation en position moyenne. Pour ce faire, la tige de soutien de l’articulateur (articulateur Candulor CA 3.0) a été réglée à zéro. Le réglage de l’inclinaison de la pente condylienne a également eu lieu selon les prescriptions (45 degrés sur le côté droite et 47 degrés sur le côté gauche ; Fig. 6). La tige incisive a ensuite été positionnée de manière centrée à la hauteur d’occlusion de l’empreinte occlusale mandibulaire. Elle a ensuite servi d’important point d’orientation pour le montage des incisives intermédiaires à poser dans le sens incisif à la hauteur d’occlusion et mésial à côté de la tige incisive. Une clé de silicone des dents antérieures convient au transfert de la surocclusion. La visualisation du plan de Camper qui correspondait au plan d’occlusion s’est faite en vue du transfert de la relation maxillaire ainsi que de la dimension verticale enregistrées au cabinet sur le modèle à l’aide du ruban élastique habituel (Fig. 7). Il a en effet permis d’orienter correctement l’empreinte occlusale. Le positionnement des modèles dans le triangle de Bonwill se fait aisément par marquage des lignes médianes et des centres de la crête alvéolaire. Il est recommandé lors du montage du modèle de miser sur une pâte à malaxer plastique et indéformable qui assure une certaine sécurité et facilite l’exigeante mission de la mise exacte en articulation (Fig. 8).

Analyse du modèle

Une analyse soigneuse du contexte anatomique sur la base des modèles mis à disposition constitue l’une des principales conditions préalables à l’obtention de prothèses totales fonctionnant de manière irréprochable. Elle fournit de précieuses informations sur la position des dents naturelles et permet ainsi de déterminer avec certitude les zones favorables d’un point de vue statique en vue de la pose de dents prothétiques. On s’assure ainsi que la prothèse dentaire peut satisfaire de strictes exigences fonctionnelles et esthétiques tout en prévenant de manière garantie les mouvements prothétiques dysfonctionnels.

Dans le présent cas, l’analyse du modèle a eu lieu selon le concept du Prof. Dr Albert Gerber. On a dans un premier temps eu recours à un faisceau laser monté parallèlement au plateau à un angle de 90° (Fig. 9). Cet instrument a permis de définir la ligne de montage. L’instrument de mesure de la section ensuite utilisé permet de reproduire et de retenir chaque section transversale. Il est ainsi possible de contrôler aisément le tracé de l’arcade dentaire. Le compas à profil éprouvé a ensuite permis de marquer le tracé de la crête alvéolaire. Il se pose néanmoins la question de savoir si l’analyse du modèle doit tenir compte du tracé latéral de la crête alvéolaire ou de la section du tracé du milieu de la crête alvéolaire (mesurable au moyen de l’instrument de mesure de la section). Les points de contact doivent dans l’idéal figurer sur le tracé du milieu de la crête alvéolaire afin d’obtenir une image homogène. En rapport au cas, une orientation en fonction du tracé du milieu de la crête alvéolaire latéral (compas à profil) peut contribuer à obtenir un résultat irrégulier et ainsi compliquer la pose idéale. Le tracé du milieu de la crête alvéolaire offre en revanche un guide intact.

Comme indiqué dans les Figures 10 à 12, les lignes et points importants ont été progressivement marqués, aussi bien sur la surface occlusale que sur la surface externe du modèle. Plus il est possible de noter des détails sur les modèles et plus les étapes ultérieures sont simples d’exécution, la position de chaque dent pouvant alors être identifiée et le montage pouvant donc avoir lieu en conséquence. Cela contribue à la prévisibilité de l’ensemble du processus.

Montage des dents antérieures

En préparation à la pose des dents antérieures, on a dans un premier temps élaboré une base de cire pour le maxillaire et la mandibule à partir de la copie de l’empreinte occlusale. Puis, les modèles ont été repositionnés avec la base de cire dans l’articulateur et la tige incisive a été ouverte de 2 mm. Cette mesure doit garantir que les dents antérieures maxillaires seront plus visibles de 1 mm à l’occasion de la surélévation ultérieure de la relation verticale de 1 mm. Les dents antérieures du maxillaire ont pour commencer été posées à l’aide de l’empreinte occlusale qui définissait aussi la position de la ligne médiane (Fig. 13 et 14). Les dents prothétiques choisies, PhysioSelect TCR de forme 674 et de teinte A3, avec leurs bords incisifs légèrement translucides aux mamelons discrets et aux effets de crête marginale translucides ont spécifiquement été développées pour les patients restés jeunes. L’orientation en fonction de l’empreinte occlusale a rapidement permis de constater que les dents étaient un peu trop larges et devaient être affinées : un positionnement optimal sans meulage donnait une arcade dentaire trop longue. Dans la région postérieure, cela se traduirait par une distalisation indésirable et donc une imbrication non conforme. Afin de pouvoir ensuite poser les dents antérieures de la mandibule (PhysioSelect TCR, forme 64 et teinte A3) à la hauteur d’occlusion correcte, la tige incisive a été réglée à +1 mm par rapport au niveau du plan d’occlusion. La tige incisive a dans un premier temps servi de point de référence pour le positionnement des dents 31 et 41 (Fig. 15). Les incisives latérales et les canines ont ensuite été positionnées (Fig. 16 et 17). L’arcade dentaire ainsi que le contact labial ont été contrôlés à intervalles réguliers à l’aide de l’empreinte occlusale.

Montage des dents postérieures

Dans la région des dents postérieures, on a eu recours à la ligne BonSelect TCR de forme 04 et de teinte A3 qui correspond à la ligne PhysioSelect TCR. Le montage s’est fait selon le concept d’occlusion dent sur dent (Fig. 18). Dans la mandibule, il a été accordé une attention particulière à ce que la fissure centrale des dents postérieures figurent sur la ligne de montage (tracé sagittal conforme à l’analyse du modèle). La ligne d’arrêt a permis de constater l’absence de place pour les dents 37 et 47, de sorte qu’il a été nécessaire d’y renoncer. Les premières molaires mandibulaires ont chacune été posées au point le plus bas. L’attention a été alors portée sur un montage à soulagement vestibulaire et une imbrication irréprochable. Il a de manière générale été facile de réaliser la liaison dent à dent. Le contact jugal a été contrôlé à intervalles réguliers au moyen de la clé de silicone et de l’instrument de mesure de section (Fig. 19). Un coup d’œil sur les cuspides palatines des dents postérieures maxillaires permet de mieux déterminer la courbe de compensation (Fig. 20). On a alors contrôlé l’insertion optimale des cuspides palatines des dents postérieures maxillaires dans les fosses antagonistes (Fig. 21).

Occlusion statique

Comme décrit lors du montage du modèle, l’occlusion a été surélevée de 1 mm dans la région incisive. Cela s’est traduit par une surélévation de la relation verticale dans la région des molaires de seulement environ 0,5 mm. Du fait des informations relatives à l’espace interocclusal minimal avec la prothèse provisoire (sans contact, important : 5 à 6 mm), on peut supposer qu’une surélévation de cette distance continuera de permettre une occupation sans contact de l’espace interocclusal minimal, généralement lors de la formation des sons « S » et n’aura donc aucune influence négative sur la phonation. Le positionnement précis des points de contact sur la crête alvéolaire a par ailleurs assuré la stabilité masticatoire autonome. Les cuspides porteuses ont occupé un rôle tout particulier dans le montage dent à dent. Il s’agit ici de la cuspide palatine des deuxièmes prémolaires maxillaires ainsi que de la cuspide mésio-palatine des premières molaires maxillaires. Elles se retrouvent chacune dans la fosse de l’antagoniste correspondant (Fig. 22 et 23). Dans l’idéal, le point de contact des premières prémolaires se trouve au niveau vestibulaire dans la mandibule. Dans le cas présent, il a été déplacé dans le sens lingual car il n’aurait sinon pas été possible d’obtenir un contact jugal selon l’empreinte occlusale. Une occlusion statique sûre a néanmoins pu être obtenue.

Occlusion dynamique

L’objectif initial consistait à éviter tout contact dans la région frontale dans le cadre de la protrusion. Cette ambition n’étant pas réalisable, des contacts glissants ont été tolérés. Les contacts existant après le meulage des guidances ont à cette fin été réduits. Cela a été obtenu au niveau des bords incisifs des dents antérieures maxillaires dans la région palatine ainsi que du bord incisif labial des dents antérieures mandibulaires sans perte de longueur des dents antérieures. En latérotrusion, le guidage par les dents postérieures a permis d’obtenir un équilibre bilatéral parfait, aussi bien du côté de la latérotrusion que de la médiotrusion (Fig. 24 et 25). Il a été tenté d’obtenir des contacts en rétrusion les plus nombreux et étendus possible (Fig. 26).

Modelage

Une fois le contrôle définitif de tous les points de contact achevés, le modelage de la base de cire est réalisé. La forme a été élaborée sur la base des informations recueillies dans le cadre de l’analyse du modèle. Puis, la morphologie des surfaces a été aménagée de la manière la plus naturelle possible (Fig. 27 à 30). Investir beaucoup de temps dans le cadre de cette étape de travail en vaut la peine, car cela facilite largement la finition définitive de la prothèse.

Aménagement de la prothèse et finition

J’en ai fait l’expérience, l’étape qui suit, et qui consiste en la mise en œuvre de la résine, exerce une très grande influence sur le succès thérapeutique. Par une mise en œuvre correcte, un prothésiste dentaire peut réunir les conditions préalables à une surface de qualité élevée qui contribue largement à la longévité des prothèses obtenues. Cela est non seulement important pour la satisfaction à long terme des patients, mais aussi pour la propre conscience.

Dans le cas présent, la fabrication des prothèses totales définitives mucco-portées s’est faite selon la technique de pressée en cuvette (Fig. 31 à 33). Les prothèses ont été intégrées dans les cuvettes avant d’être pressées. Du PMMA a été utilisé dans le cadre de la caractérisation consécutive en lieu et place du composite. Les dents en résine choisies ont uniquement été sablées au niveau cervical là où les zones étaient recouvertes de résine rose. Une rétention mécanique n'était pas nécessaire. 

La confection des prothèses a permis de bien révéler le niveau de qualité élevé des matériaux fournis par la société Candulor. Ils permettent d’atteindre un niveau de qualité et d’esthétique qui me semble inatteignable dans le cadre d’une procédure numérique. Les prothèses finies sont reproduites dans les Figures 34 à 38.

Résumé

Le cas présent permet de démontrer idéalement la manière de confectionner des prothèses totales destinées à satisfaire des exigences fonctionnelles et esthétiques élevées. La planification soigneuse et la maîtrise de la technique de confection conventionnelle, du montage à la finition, permettent d’obtenir un niveau esthétique qui paraît inégalable avec les technologies numériques. Dans le cadre de l’approche conventionnelle, le travail est nettement facilité par le recours à des matériaux innovants et de haute qualité, comme ceux proposés par Candulor, le spécialiste de la prothèse dentaire.

Tandis que la méthode de confection présentée peut paraître démodée à certains lecteurs, je suis certain qu’il existera toujours des patients qui accordent une grande importance à la personnalisation et à la beauté. Ils permettront aussi à l’avenir de maintenir la demande en prothèses confectionnées à la main. Pouvoir proposer à ces patients une solution personnalisée est et reste une importante mission pour moi.

Qui est… ?

Skender Ramadani a achevé avec succès sa formation de prothésiste dentaire en 2007. Il a depuis lors travaillé au sein de différents laboratoires dentaires de Suisse où il a pu se familiariser à l’ensemble des procédures liées à son métier et n’a cessé de se perfectionner. Animé par sa passion pour la prothèse dentaire, il a à plusieurs reprises participé au concours KunstZahnWerk CANDULOR à l’occasion duquel il a décroché la première place en 2013 et la deuxième place en 2023. Lors du concours « Das Goldene Parallelometer » (Le parallélomètre d’or), il a obtenu la 13ème place en 2014 et a ainsi été le meilleur participant de Suisse.

Lauréat du prix du concours KunstZahnWerk CANDULOR 2023 : médaille d’argent CANDULOR (deuxième place) et troisième meilleure documentation

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